« L’Europe est notre destin … »
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Une fois les nouveaux conseils municipaux installés, l’Europe devrait s’inviter enfin dans le débat, mais de quelle manière ? Cible commode pour lui mettre sur le dos tout ce qui ne nous plaît pas ou pour masquer les politiques régressives des gouvernements nationaux, ce qu’elle peut apporter reste mal perçu. Une des conditions pour la faire vivre et jouer pleinement un rôle positif est d’éviter d’utiliser l’élection de son Parlement comme un simple tremplin pour des visées nationales. En somme, qu’on sache en faire un outil de progrès collectif au service d’un projet commun, long et difficile à construire, mais aussi incontournable que passionnant, entre des nations diverses liées par des aspirations communes de bien-être dans la solidarité (interne aussi bien qu’internationale), dans la justice et l’égalité, et de respect de l’environnement.

 

Au-delà du débat sur l’intégration de nouveaux pays membres, les événements d’Ukraine montrent que l’Europe est un projet attractif pour des peuples soumis à l’arbitraire et au totalitarisme. Saluons au passage le courage des milliers de manifestants en quête de démocratie qui, depuis des mois, bravent jour et nuit, sur la place de l’Indépendance de Kiev, les rigueurs de l’hiver et les violences de la répression. Certes le mouvement est fragile, sa direction peu assurée, et les tentatives de récupération ne manquent pas du côté de nationalistes virulents. Ces mêmes obstacles ont jalonné les révolutions arabes, contrecarrant bien des espoirs, mais celles-ci n’en ont pas moins eu le mérite de défaire des dictateurs et de créer les bases de nouvelles solidarités.

 

Les politiques d’austérité ont mis à mal des sociétés entières et fait le lit de forces nationalistes prêtes à utiliser cet espace pour détruire le projet européen. La politique d’immigration a fait de l’Europe une forteresse fermée aux victimes des impérities de régimes répressifs qui y cherchent protection, à l’opposé des proclamations de solidarité internationale des débuts de la construction européenne, avec ses centres de rétention ne respectant pas toujours les règles d’un Etat de droit et, surtout, les drames des naufrages de migrants en Méditerranée. Mais ses orientations néolibérales, accentuées après les traités de Maastricht et de Lisbonne, ne tiennent pas tant à ses institutions elles-mêmes, toujours à démocratiser davantage, qu’aux technocrates mis en selle par les gouvernements européens menant ces mêmes politiques néolibérales. L’Europe est notre destin, il s’agit de faire avancer les institutions européennes vers une plus grande représentation des peuples. Si la Commission de Bruxelles est une simple représentation des Etats, le Parlement, depuis son élection au suffrage universel il y a trente-cinq ans, est un lieu d’échanges vifs et riches porteur de cette construction démocratique à l’échelle du continent.

Manuel Devillers et Pierre Masnière